Format — VF
Editeur — Image Comics via Bethy
Scénario — Jim Starlin
Dessin — Mike Mignola
Couleur — Steve Oliff
Lettrage — Bigger The Logo
Couverture — Mike Mignola

Vous êtes une personne anonyme à la citoyenneté ordinaire dans les rues de Gotham. Entre les attaques du Joker et de Mr Freeze ainsi que les plans de Poison Ivy ou de Bane, vous tentez juste de faire votre vie normalement. Mais pas de chance, aujourd'hui c'est le foutoir dans les rues suite à l'évasion de Killer Croc. Vous avez donc laissé tomber l'idée de prendre la voiture. Vous déambulez de votre mieux en vous tenant loin de l'action lorsqu'une forte détonation se produit près de vous, suivie par l'ouverture d'une sorte de grand tuyau doré qui laisse apparaître une petite succube rouge à lunettes qui vous regarde d'un air amusé :

"Ben quoi ? T'as jamais vu quelqu'un utiliser une boite-mère de New Genesis ? Tu devrais essayer, ça t'amène au taf en un instant ! Ouais j'ai une boite-mère perso ouais, cadeau de la Justice League ! Je les connais bien on a vécu des tas de trucs ensembles ! Ah y'a Killer Croc en roue libre, t'es pas prêt d'arriver au bureau. Puisque tu as du temps à perdre, pose tes fesses sur ce banc je vais te raconter une histoire super cool qui m'a été relatée en personne par l'illustre J'onn J'onnz, alias le Limier Martien !"

Vous êtes un peu perplexe quant à la véracité des propos de Paprika, mais une voiture de police valse entre deux immeubles. Il est évident que vous pouvez bien attendre quelque minutes que la sitation se calme...

"Pis tu vas voir poto, c'est une aventure super bath avec des tas de héros connus, avec du drame, des émotions, de la violence mais pas de sexe ! Non faut pas déconner, c'est tout public ! Alors pose ta valise et écoute. C'est une aventure ! ... c'est une épopée ! ... c'est une saga ! Que dis-je, c'est une saga ? ... c'est une ODYSSEE COSMIQUE !"

Orion le Raciste

Pour les éventuels connaisseurs de comic-books, vous aurez retenu les deux noms majeurs sur cette saga de 1988, il s'agit de Jim Starlin et de Mike Mignola. Le premier n'est rien de moins que l'auteur de "La mort de Captain Marvel" et de la saga "Le Gant de L'Infini" chez Marvel. Auteur prolifique mais non prolixe, il n'a pas peur de tuer ses personnages (Mar-Vell ou encore Adam Warlock). C'est un nom connu et respecté dans le milieu, ses histoires ont marqué leur époque. Sans Jim Starlin, pas de Thanos, de Nebula, de Drax ou même de Shang-Chi et par extension, pas de Marvel Cinematic Universe comme on le connaît de nos jours ! (note: oui, je sais que Jim Starlin a co-crée les personnages, mais le fait est que sans Jim Starlin, les choses seraient sacrément différentes aujourd'hui...)

Son acolyte au dessin n'est rien de moins qu'un petit jeunot, Mike "Hellboy" Mignola. Un an plus tard, il fera (toujours chez DC) l'excellentissime "Batman: Gotham by Gaslight" qui révèlera son plein talent puis il finira par partir pour concevoir Hellboy en 1994, qu'il avait déjà dans la tête depuis 1991. Il avait déjà dessiné chez Marvel en 1985, un echec commercial obscur qui a été totalement oublié et dont je suis certaine que le nom ne dira absolument rien à personne. Comment ça s'appelait ce truc là ? Oui vous savez une histoire en quatre numéros, boudée par le public à sa sortie et reléguée dans les rangs de l'oubli. C'était quoi de nouveau ?... Ah j'ai le nom sur le bout de la lague, vraiment c'était un machin pas populaire du tout... Oui, ça me revient ! C'était... "Rocket Raccoon". Je suis certaine que personne ne sait qui c'est de nos jours...

Metron le Catatonique

Lonar, un ambassadeur de New Genesis, arrive sur terre et fait réunir par le président des Etats-Unis, une équipe de super-héros mais pas n'importe lesquels. Superman, J'onn J'onzz, alias le Limier Martien, faisant partie de la Ligue des Justicier. Koriand'r, alias StarFire du groupe des Jeunes Titans. Batman, toujours aimable. John Stewart alias Green Lantern et un humain banal du nom de Mr Blood. Sur place, un certain Highfather leur fait part d'une découverte : Darkseid a trouvé Metron dans un état catatonique. Aux dernières nouvelles, il comptait résoudre une formule mathématique cataclysmique, l'équation d'anti-vie. Pas de chance, il y est parvenu. Si l'univers n'est pas détruit c'est seulement parce qu'il a pu s'échapper mais l'entité qu'il a rencontrée était si puissante qu'il est en état de choc depuis.

Tout en serait resté là si les relevés n'avaient pas spécifiquement indiqué quatre planètes. La Terre, du système solaire, Rann, d'Alpha Centauri, Thanagar, de Thalisus Minor et Xanshi, de Pegaron. Sur ces quatres endroits, l'entité d'Anti-Vie possède des avatars qui pourraient lui ouvrir un chemin et mener ainsi à le destruction de l'univers tout entier. Dans ce but, les héros seront rejoints par Adam Strange et LightRay puis vont se diviser en équipes pour tenter de stopper l'Anti-Vie à tout prix. Et même si ça ne plait pas aux héros d'aider Darkseid à contrecarrer les plans de l'Anti-Vie, ce dernier ne rend de comptes qu'à lui-même et semble avoir son propre plan secret...

Green Lantern le Génocidaire

Nous sommes donc à la fin des années 80 et Mike Mignola est entrain de peaufiner son style. Sur de nombreuses cases on assiste à l'émergence de son style d'ombre si particulier. Son Darkseid est monolithique, les "kirby crackles" (Nom donné à la façon si particulière de Jack Kirby de représenter l'energie, l'espace ou les explosions avec de petits cercles aléatoires sur un fond obscur) sont présentes. Les statues qui deviendront un thème récurrent dans Hellboy et à peu près toutes les scènes de décor de Mignola font déjà leur apparition ici. La scène d'arrivée à New Genesis est vraiment très révélatrice de ce qu'il fera plus tard dans d'autres séries, avec sa richesse et ses figures semblant figées à jamais comme si elles venaient de s'arrêter juste avant que le lecteur ne tourne la page. C'est ce qui m'a toujours fascinée chez lui, ses passages quasi-figuratifs bardés de statues en pleine contemplation, témoins silencieux d'un passé qui se rappelle au présent. Si vraiment je devais être du genre à chipoter, je dirais que certaines cases hésitent encore entre sa touche personnelle et la volonté de se conformer aux standards de dessins de l'époque dans la gestion du cadrage et des contrejours.

Jim Starlin, lui, reste égal à lui-même et c'est une bonne chose. On sent qu'il connaît les personnages et l'équipe relativement eclectique fonctionne à merveille en binomes. J'ai trouvé John Stewart anormalement arrogant mais c'est un personnage que je ne connais quasiment pas donc je ne peux pas juger si c'est normal ou non. Le récit est solide, simple et efficace, Darkseid jouant double-jeu ne suprendra personne mais c'est une histoire qui tient toujours la route en 2024. On sent l'attrait de Starlin pour le thème cosmique et démesuré qu'on retrouvera quelques années plus tard chez Marvel dans sa légendaire saga "Le Gant de l'Infini" avec un enjeu tout aussi profond. Ses personnages sont plutôt nuancés, je suis très impressionnée par la séquence entre J'onn J'onzz et John Stewart. Après, même si la trame de fond peut sembler un poil répétitive (Un binom qui se rends sur une planète et fait face à une situation X ou Y) c'est loin d'être mauvais. C'était d'ailleurs une première pour moi de le voir ailleurs que sur du Marvel.

Synthèse Téléologique

Je dois avouer que j'ai été étonnée par la qualité de l'histoire. Ceux qui me connaissent savent que je ne lis que très très peu de DC et habituellement je m'en tiens aux aventures de l'homme le plus rapide du monde (Oui, Flash.) mais j'apprécie beaucoup Mignola et c'est avant tout son nom qui m'a poussée à prendre cette édition ! D'ailleurs vous ne la trouverez probablement pas en rayon, elle date de 1998 et c'est publié en VF par Bethy dans leur gamme "Comics Culture". Le travail d'informations offertes au lecteur avant le récit en lui-même est juste génial parce que c'est plutôt complet et concis en même temps. Je n'ai jamais compris pourquoi Panini n'a jamais fait de choses pareilles pour ses récits majeurs, ils gagneraient peut-être un brin de lectorat comme ça. Le format est en souple, mais je ne me souviens plus du prix, quand je l'avais acheté on payait encore en francs !

Je n'ai pas du tout été déçue, c'est une bonne histoire qui a bien vielli, les sujets abordés restent pertinents et j'ai eu la nette impression que Batman était plus humain et moins puissant que ce que je connais du personnage, c'était agréable. Les couleurs de Steve Oliff magnifient très bien le dessinateur mais je n'en doutais pas, il est plus que compétent dans son domaine. On pourrait peut-être reprocher à l'ensemble un manichéisme un peu trop basique et une certaine dose de naiveté vis-à-vis de Darkseid. Rendre Metron catatonique en conséquence de sa rencontre avec l'Anti-Vie était une bonne idée, permettant la révélation des évenements pas J'onn J'onzz. Le récit se lit très bien tout seul, pas de rappel à d'autres séries ou a des évènements passés. Le personnage de Forager aurait peut-être pu être travaillé avec brin de personnalité supplémentaire mais je trouve qu'un regard de l'ampleur du récit de de sa longueur, Starlin s'en est bien tiré. C'est typiquement le genre de comics que je recommanderais les yeux fermés à quelqu'un qui n'en lit jamais puisque tout est contenu et le boulot éditorial qui s'y trouve est vraiment bien foutu. Si comme moi vous ne lisez jamais de DC, essayez ce récit et dites m'en des nouvelles !