Format — VO
Editeur — Image Comics
Scénario — Matt Fraction
Dessin — Terry et Rachel Dodson
Couleur — Clayron Cowles
Lettrage — Inconnu
Couverture — Terry et Rachel Dodson

Vous consultez votre montre puis le tableau des arrivées et départs de la gare. On dirait bien que la SNCF est encore en galère après le dernier épisode neigeux. Vous vous asseyez sur un banc à côté d'une petite succube rouge qui vous dévisage avec un petit sourire en coin avant de vous interpeller :

"Pas terrible hein ? Puisque ton train est en retard, je te propose un moment d'évasion à l'ancienne. Pas un de ces trucs en avec des effets spéciaux à gogo et des jingles tiktok. Non, je te parle d'un truc fun et énergique du temps où on se posait pas autant de questions. Un temps ou tout était possible et ou les Funko Pops n'existaient pas."

D'un air dubitatif, vous conidérez Paprika qui continue de sourire. Quelques minutes s'écoulent et face à votre absence de curiosité, elle ouvre sa grande valise verte foncée et agite un comic-book sous votre nez.

"Ici pas de trucs louches ou de marketing en mal de licence rentable, on est dans un truc par des grands noms du comics moderne. Si tu n'as pas peur, alors accroche toi à ton casque car on va se lancer dans... ADVENTUREMAN !"

Team-Up Créatif

Pour toi camarade, un tout petit brin d'explications avant de se lancer dans cette histoire. Matt Fraction est un scénariste très connu dans le domaine du comics. Il a débuté chez Marvel sur "Immortal Iron Fist" puis il est passé sur "Mighty Thor", "Invincible Iron Man" ou encore "Hawkeye. Mais c'est aussi à lui qu'on doit l'évènement Marvel bizarroïde "Fear Itself". Ce n'est pas un mauvais auteur, mais personnellement je n'aime pas tout ce qu'il a fait, c'est même souvent situationnel. Ses acolytes aux dessins sont également très connus, ce n'est rien de moins que le couple Dodson, réputé pour ses belles filles et ses couvertures, aussi bien Marvel que DC. Ils avaient opéré avec Fraction chez la maison des idées en 2012 sur la série "Defenders" mais ça n'avait pas pris auprès des lecteurs, la série fut annulée après le douxième numéro. Pour ma part j'avais trouvé le dessin décevant.

Cette fois ci, notre joyeux trio s'émancipe du giron d'un gros éditeur et se lance avec son titre creator-owned sous la houlette d'Image Comics. Je ne vais pas vous cacher que j'avais pas mal de réserve à l'annonce de la série. Vu l'échec de Defenders, je n'étais pas certaine de vouloir suivre un nouveau ratage. Pour moi Dodson ne peut pas tenir un rythme de série mensuelle et c'est un peu comme J Scott Campbell, y'a que les couvertures qui sont bien. Mais je n'aime pas juger sans avoir testé donc j'ai bravé mon apriori et tenté l'aventure(man)

Pulp mais...

Le récit s'ouvre sur une séquence classique d'un type courant dans un bureau en disant qu'il y a une catastrophe et un autre type se dit que l'heure est finalement venue et qu'il va falloir passer un coup de fil très important. Nous voyons la silhouette de la personne qui décroche et il s'agit visiblement de quelqu'un d'important : Adventureman. Il rejoint plusieurs personnes qui semblent constituer une équipe. Il est vite question de fin du monde et de combattre l'ennemi aussi le groupe se prépare. Quelques instants plus tard, une explosion se produit et un second groupe arrive. En jugeant d'après les apparences, ce sont des ennemis et la dialogue le confirme très vite. Après quelques pages d'action, nous sommes pris par surprise car c'est en réalité une histoire lue par quelqun !

Ce quelqu'un n'est autre qu'une mère lisant une histoire du soir à son fils. "Adventureman" n'est donc en réalité qu'un livre qui s'est terminé sur un cliffhanger et dont la suite n'a jamais été publiée, ce qui semble frustrer le garçon. De fil en aiguilles, nous découvrins donc Molly, qui porte des aides auditives et qui se débrouille entre sa vie de famille et son magasin de livres. Tout serait banal si un jour quelqu'un ne venait pas déposer une édition inconnue d'Adventureman dans sa boutique...

Moderne quand même

Le dessin est superbe. Je trouvais que les Dodson avaient baissé en qualité avec le temps mais là ils se sont surpassés. On peut ressentir l'énergie, la vie et la passion derrière le dessin. Ce n'est pas une énième histoire sur un personnage qui a déjà tout vu, tout fait, non. C'est une création originale qui fleure bon le projet de coeur dans le sens où le dessin fourmille de détails visuels dans un cockatil mélangeant les styles Pulp et Art Nouveau dans une fluidité de trait assez incroyable. J'étais presque déçue que l'histoire du début s'interrompe, ça prenait vraiment les clichés des pulps et des premiers comics ou on avait une morale noir-blanc avec des ennemis loufoques (la bande des méchants) et des protagonistes hauts en couleur (la bande des gentils). La qualité artistique m'a rarement frappée comme ça depuis que j'ai commencé à lire des comics et j'étais ravie de voir le couple Dodsons en forme comme ça !

Côté scénario il n'y a pas à rougir, si le dessin brille autant c'est parce que le scénariste leur donne une air de jeu quasi illimitée. Liberté renforcée par la décision de s'orienter sur le genre du pulp. Et force est de constater que l'exercice est plus que maitrisé par Fraction, il nous livre une intrigue à la fois nostalgique et fun sur un concept pourtant pas nouveau. Je sens que sur le long terme, il pourrait y avoir des choses très sympa tout en conservant une veine rétro et sans complexes. J'accroche un brin moins à la partie normale du récit mais les deux parties sont liées par un truc commun alors j'ai hâte de lire la suite. Visiblement c'est un concept qui remonte à 2008, ils attendaient juste le bon moment pour le sortir. Fraction remonte beaucoup dans mon estime après cette entrée en matière à la fois fun et spectaculaire !

Synthèse Téléologique

Je pense qu'on tient avec ce #1 la quintessence de ce que pourrait être un comic-book qui n'oublie pas ses origines. Le style artistique me fait un peu penser au film "Captain Sky et le Monde de Demain" et ça m'a énormément plu ! Il était temps que je puisse voir les Dodson en forme car ils sont très talentueux, ils semblent se faire plaisir de A à Z, la colorisation est réussie, la séquence avec le bruit de la ville en onomatopées et n'en garder que le contour lorsqu'elle retire ses aides auditives était original, j'apprécie ce genre d'effort dans un comic-book. La liberté éditoriale et donne des ailes à l'équipe créative qui nous livre là un comic-book passionné de pulps, d'histoires avec de l'action et de l'aventure le tout sur un fond romancé. J'attends la suite avec une grande impatience...

Le seul reproche que j'aurais à formuler concerne le dessin, les visages sont un peu trop similaires entre eux, ce n'est pas un handicap mais passé un certain degré de reconnaissance, je trouve ça un peu dommage. J'adore les designs des méchants qui évoquent quelque chose entre le Nazi cliché et le scientifique fou de film de série Z. Le concept de la formule magique qui devient un objet, effectuée par Baroness Bizarre est également une excellente trouvaille visuelle, c'est fou comme de la liberté artistique peut offrir des choses originales ! Je souhaite sincèrement que la suite soit du même niveau, même si ce n'est qu'une mini-série ou un simple TPB, je trouve que c'est super prometteur et j'irais au bout pour voir si le jeu en valait la chandelle...