Format — VO
Editeur — IDW Publishing + Image Comics
Scénario — Gary Carlson
Dessin — Frank Fosco
Couleur — Adam Guzowski
Lettrage — Multiple
Couverture — Frank Fosco

Vous êtes entrain d'attendre le bus dans les rues de New-York, il pleut et il est relativement tard, les premiers lampadaires publics viennent de s'allumer. Vous sentez alors une odeur de pizza quatre fromages, olives et anchois arriver à vos narines tandis qu'une plaque d'égout non loin s'entrouvre légèrement. Vous distinguez alors une petitr créature à la peau rouge et aux yeux dorés qui vous appelle :

"Psssst ! Hé, toi ! Oui toi, l'andouille entrain d'attendre le bus sous la pluie ! Descends avec moi dans les égouts, j'ai de la pizza et des comics !"

Malgré votre sentiment d'appréhension, vous vous avancez et quelques instants plus tard, vous voilà entrain de descendre l'échelle qui mène sous la route. Vous débarquez dans une petite pièce meublée de bric et de broc, Paprika est assise sur une vieille caisse en plastique pour poissonnerie et vous tend un comic-book.

"Eh ouais mon pote, tu ne rêve pas ! C'est bien des comics "Tortues Ninja" ! Mais rien à voir avec la première série de chez Mirage ou l'actuelle de chez IDW Publishing ! Aujourd'hui nous allons lire... Urban Legends ! Et crois-moi, crois-moi pas, c'est probablement la pire série comic-book que j'ai jamais lu avec Deadpool Corps. J'ai voulu m'en débarasser mais finalement je la garde, comme ça je peux montrer aux visiteurs ce qu'il ne faut pas faire quand on veut écrire un comic-book !"

Légende Urbaine à oublier

1996 n'est pas ce que j'appellerais... une bonne période en comics. On est en fin de bulle spéculative qui a vu le marché s'effondrer, on est en plein GRIMDANK où chaque éditeur tente de faire du comic "sombre, violent et adulte" ce qui signifie "On va prendre un perso on va faire des trucs darks et ce sera du génie !" Malhreureusement, Tortues Ninja est aussi passé à la moulinette grimdank avec un résultat... vraiment très discutable. Faute de bons chiffres de ventes, la série est interrompue en Octobre 1999 sans même atteindre une conclusion officielle. Ce n'est même pas considéré comme canon, notamment à cause du désintérêt du co-créateur des tortues, Peter Laird qui n'est absolument pas du tout impliqué dans la série.

IDW Publishing ressucitera cette série en 2018 en la republiant intégralement en singles et en offrant au passage une vraie conclusion, poussant alors le nombre de numéros à 26, le tout scénarisé et dessiné par Carlson et Fosco. J'avais décidé d'acheter ça par pure curiosité culturelle, en dehors de la première série et de celle d'IDW, je n'avais rien lu d'autre. Mais aussi parce que j'avais pu voir quelques commentaires en ligne sur des forums et ça semblait avoir laissé une marque sur les lecteurs. Et oui, ça m'a aussi laissé une marque, mais une très mauvaise. Je sais pas si j'aurais le courage de la relire d'une traite en intégralité tellement j'ai trouvé ça naze.

Les Tortues en version... DARK !!!

Dès le départ, il n'y a rien qui va, on sent que l'équipe créative est là pour taillader dans le gras à coup d'idées bourrines, quitte à ignorer ce qui s'était fait avantet en plus il n'y avait pas Peter Laird ou de Kevin Eastman à la barre. Des la première page, Donatello est pris dans une explosion effroyable et gît dans une mare sanglante et malgré l'intervention de ses frères, se fait enlever par des méchants cyborgs dirigés par une femme semblant sortie d'un mauvais hentai de BDSM avec les fémurs les plus longs du monde ainsi qu'une silhouette à faire pâlir la Barbie originale de jalousie. Finalement, Donatello parvient à s'échapper de l'hélicoptère mais tombe au sol et se fracasse la carapace sur le béton. De leur côté ses trois frangins sont entrain de se débrouiller avec les restes d'un cyborg qui arrive à se réactiver et défigure atrocement Raphael, le laissant avec la moitié de la tronche cramée comme un steak éco+ coincé dans un incinérateur défaillant.

Tu vois où je veux en venir ? Tout est bourré d'action de violence et de "Ouah t'as vu il est brûlé/blessé/mutilé/torturé/etc ! C'est trop DARK !" La série fonce à 200 à l'heure sans la moindre finesse, ce qui fait que ça devient très vite extrêmement lourdingue, enquillant poncif sur poncif sans faire preuve de la moindre originalité. Les numéros s'enchaînent comme de la junk-food, Raph finit par devenir Shredder et Splinter devient une Chauve-Souris. Oui oui, t'as bien lu. Carlson égare sa série dans des méandres abrutissants de ressorts usés jusqu'à la moelle sans parvenir à apporter une approche intelligente. Raphael en Shredder n'était pas une idée complètement mauvaise, transformer un enragé en fou furieux dans un trope "tu es devenu ce que tu détestait le plus" était un bon concept mais il n'en a rien fait d'utile et n'a pas du tout apporté que ce soit, qu'il s'agisse du scénario ou du personnage. Donatello quant à lui est ramené sous la forme d'un cyborg brutal et amer, ce qui ne fait rajouter qu'une couche de cynisme négatif à l'ensemble, noyant cette série TMNT dans une violence bien inutile.

Les égouts de la publication

Au fil des numéros, les Tortues rencontreront bon nombre d'adversaires tout en gardant une violence systématique. Casey est désormais alcoolique et porte un masque aux couleurs du drapeau américain, April est une femme passive et souvent triste, Image Comics oblige, les personnages d'Erik Larsen et de son Savage Dragon seront temporairement de la partie, sans rien apporter au récit une fois de plus. Du coup c'était pour moi une vraie plaie de lire du #1 au #26. Croyez-moi ,j'ai fait des efforts pour y trouver des qualités, mais pour moi rien ne va, tant niveau scénario que dessin. On dirait du Larsen en version budget réduit et je ne suis déjà pas fan du bonhomme en temps normal donc là je n'ai pu me rattrapper à rien et je n'ai tourné la dernière page qu'avec une grande ameertume en midsant : "Eh ben... Tout ça pour ça???"

Carlson n'a pas fait quoi que ce soit de vraiment imaginatif au scénario, il s'est contenté de recycler des trucs déjà vus dans d'autres comics de l'époque et les a pondus à sa sauce dans une suite d'échecs critiques, nous offrant ainsi en point d'orgue final l'armure de Shredder ayant prit vie via un alien, de la nanotechnologie et un cadavre. (Oui vous lisez toujours bien.) C'était très décevant de lire ces trois derniers numéros qui n'ont absolument pas rattrapé le ton morbide et crétin des vingt-trois numéros précédents. C'est donc un zéro pointé sur absolument toute la ligne.

Synthèse Téléologique

Vous aurez donc compris que c'est carrément pas mon comic-book préféré. Quand je le compare à la première version de chez Mirage ou à la version actuelle de chez IDW Publishing, je me demande ce qu'il s'est passé. Pourtant j'ai vraiment fait un effort, je voulais sincèrement trouver des qualités et j'en ai cherché mais pas moyen de dégoter quoi que ce soit de rédempteur, même à petite échelle. Raphael qui devient Shredder aurait pu aboutir sur quelque chose à creuser, voir même à lancer une sorte de question-débat philosophique auprès du lecteur, mais au lieu de ça on a un truc aussi vide que la feuille blanche qui a servi de scénario pour cette série. Déjà en 23 numéros c'était plié, je me retrouve donc à m'interroger sur ce qui est passé dans la tête des gens chez IDW pour se dire "Venez les mecs, on va réimprimer le pire run TMNT de tous les temps et produire trois numéros en conclusion, ça va être chouette haha". A part une soirée cocaïne bien chanmé, je vois pas d'autre explication.

J'essayerai de le relire d'ici quelques années, peut-être que l'amertume sera passée mais dans l'immédiat vous me verrez crier "Fuyez, pauvres fous !" à toute personne qui osera s'approcher de TMNT Urban Legends. Après il y a un coté presque... éducatif à tout ça en fin de compte. C'est une excellente liste exhaustve de tout ce que je n'aime absolument pas et c'est tellement énorme que ça fait un standard complet pour mon échelle personnelle. Tout en haut il y a "Last Stand of The Wreckers" (qui est selon moi, ce que tout comic-book devrait tendre à être jusqu'à la moindre fibre de son papier gorgé d'encre.) Et tout en bas, encore en-dessous des égouts de la culture, il y a "Teenage Mutant Ninja Turtles: Urban Legends" avec ses défauts à la tonne et sa narration foireuse, le tout gisant dans un dessin extrêmement moyen. Finalement ce n'est peut-être pas plus mal comme ça, j'aurais eu mal au coeur si ça avait été bien dessiné mais avec une histoire aussi naze. Ce sera à tout jamais une pierre angulaire dans ma bibliothèque, une erreur des années 90 qu'il aurait eu mieux valu laisser morte, plutôt que de se prendre pour des Frankenstein moderne et déterrer une abomination contre-nature.